Actions et obligations : des options qui s'ignorent.
Abstract
Si certaines théories économiques ont pu désespérément être en quête d’une pratique, la
théorie des options s’est à l’inverse révélée doublement fructueuse. Développée au début des
années 70, elle a permis l’évaluation d’actifs conditionnels (les options proprement dites)
négociés sur les marchés (financiers ou de matières premières). Mais son champ d’application
ne cesse de s’étendre et l’on découvre une nature optionnelle à un nombre croissant d’actifs.
Prenons l’exemple d’actifs physiques tels que des réserves pétrolières non développées
(Paddock, Siegel et Smith, 1988). Développer ces réserves revient à exercer une option dont le
prix du sous-jacent serait la valeur des réserves développées, le prix d’exercice le coût de
développement, l’échéance la date de restitution du gisement, … En règle générale, un
investissement risqué revêt une nature optionnelle s’il présente une irréversibilité (des coûts
induits), une flexibilité (dans la date de sa réalisation) et une incertitude (sur les recettes ou les
coûts). Une part importante de la littérature économique traite de ce sujet dénommé Real
option analysis par les anglo-saxons.
Cet article est consacré à des actifs financiers dont la nature optionnelle peut sembler
paradoxale, à savoir les capitaux propres (actions) et la dette capitalisée (obligations). Son
ambition est de présenter au lecteur une synthèse de travaux réalisés sur le sujet tout en
soulignant les applications potentielles*
Dans une première partie, nous montrerons, sur un cas simplifié, qu’être actionnaire d’une
firme endettée équivaut à détenir une option d’achat sur la valeur de l’entreprise, cette option
ayant le montant de remboursement de la dette comme prix d’exercice et son échéance comme
maturité.
Calculer la valeur de cette option équivaut à déterminer la valeur économique de la
responsabilité limitée de l’actionnaire en cas de défaillance de la société. Parallèlement, les
créanciers seront décrits comme vendeurs d’une option de vente. Ainsi les actionnaires,
détenteurs d’une option, devraient être favorables, contrairement aux créanciers, à un
accroissement du risque d’activité de la firme. L’approche optionnelle nous permettra de
retrouver l’égalité entre valeur de marché de l’entreprise et somme de la dette et des capitaux
propres. Un calcul du taux d’intérêt de cette dette sera rendu possible.
Dans une deuxième partie, nous étudierons la cohérence sous certaines hypothèses de cette
approche avec celles du MEDAF et de Modigliani et Miller. Nous retrouverons que le coût
moyen pondéré du capital est indépendant du ratio d’endettement. L’influence de divers
facteurs (maturité de la dette, taux d’intérêt, volatilité des actifs de l’entreprise, …) sur le
risque systématique de la firme sera étudiée.
Les troisième et quatrième parties seront consacrées aux tentatives de résolution des difficultés
soulevées par l’implémentation pratique du modèle. La complexité du financement d’une
entreprise, ainsi que l’impossibilité d’une évaluation directe de certains paramètres, rendent
non-opérationnel le modèle simplifié précédemment développé. Deux types de démarches
seront présentées :
• l’emploi de modèles pour options composées permettant de mieux rendre compte de la
complexité du financement de la firme ; les concepts de dette prioritaire et de dette garantie
seront étudiés ;
• l’utilisation du modèle de Black et Scholes avec une simplification des paramètres
nécessaires (endogénisation de la volatilité, calcul d’une duration pour l’échéance de la
dette, …).
En conclusion, nous mettrons l’accent sur les applications possibles de cette approche
optionnelle qui permet de calculer la volatilité des actifs et le coût du capital d’une entreprise
donnée.
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Economics and Finance
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